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Denis Bernard, acteur sur tous les fronts

Denis Bernard

Denis Bernard

Les lundis soirs, Denis Bernard incarne tour à tour un premier ministre romantique dans La galère à Radio-Canada et un père de famille au bord de la faillite dans Yamaska à TVA. Le reste du temps, vous trouverez l’acteur dans ses souliers de directeur artistique du Théâtre la Manufacture, la compagnie qui donne une âme à la Licorne depuis 31 ans et qui sera de passage à Vancouver du 16 au 19 novembre prochain avec la comédie satirique Au champ de mars.

Le fondateur de la Manufacture, Jean-Denis Leduc, vous a offert la direction artistique de la compagnie en 2009. Comment évaluez-vous votre expérience jusqu’à maintenant?

J’aborde ma troisième saison comme directeur artistique de la Manufacture avec la même candeur et le même enthousiasme qu’au premier jour, mais aussi avec les maladresses inhérentes au fait que je suis encore jeune dans ce métier! J’ai beaucoup de bonheur à apprivoiser ces nouvelles responsabilités à ce moment-ci de ma vie et aussi beaucoup de chance d’avoir été choisi par Jean-Denis Leduc pour porter le lègue de la Licorne.

J’ai accepté le poste parce que j’aimais la Manufacture et sa façon de faire, sa vision. Je ne suis pas là pour tout raser du revers de la main, ça, c’est certain. Je travaille dans un esprit de continuité auquel je tiens farouchement, mais à ma manière. Par exemple, Jean-Denis a toujours nourri l’idée d’avoir des auteurs en résidence. Avec la reconstruction de la Licorne, c’était l’occasion pour moi d’amener cette idée un peu plus loin. Nous avons maintenant six auteurs en résidence plutôt qu’un.

Je crois qu’il est encore trop tôt pour voir comment ma direction va influencer la compagnie. C’est certain que sur plusieurs années, des différences apparaîtront. Fatalement, les pièces que je choisis de présenter impriment une marque artistique, ma marque à moi. C’est le cas de Chaque jour qui était à l’affiche ce mois-ci, un texte que j’ai sélectionné et que j’ai mis en scène.

Vous avez inauguré la nouvelle Licorne il y a quelques semaines. Que représente ce tout nouvel espace pour la Manufacture?

C’est l’aboutissement de plusieurs années de travail qui nous permet de présenter notre programmation dans un lieu qui est à niveau et qui est approprié à notre démarche.
Le bâtiment a été conçu pour préserver le caractère intime de la Licorne et favoriser la circulation du public et des artistes. Nous disposons désormais de deux salles complètement autonomes à géométrie variable où deux spectacles peuvent être présentés simultanément tous les soirs. Nos nouveaux bureaux nous permettent également d’offrir des postes de travail et une salle de réunion à nos auteurs en résidence et aux compagnies qui se produisent ici. On voulait un lieu qui serait pris d’assaut par les créateurs et c’est exactement l’impression qu’on reçoit quand on entre dans la Licorne.

On vous a très souvent vu au petit écran ces dernières années. En acceptant la direction artistique de la Licorne, vous avez en quelque sorte choisi le théâtre plutôt que la télévision. Quelles sont les forces du théâtre par rapport à la télévision?  

Je trouve que le théâtre a une force d’évocation que la télé n’a pas. Les téléséries sont davantage formatées et sont à la remorque du naturalisme. Le théâtre, lui, fait appel à l’imagination, ce qui lui permet de visiter des genres complètement différents, d’être dans l’onirisme et de déconstruire les histoires.

Le théâtre représente surtout une formidable possibilité de rencontre entre les artistes et le public. S’asseoir ensemble dans un même lieu pour partager des émotions et des idées, il n’y a rien pour accoter ça!

La Manufacture est la compagnie québécoise qui tourne le plus ses spectacles grand public à l’extérieur du Québec. Pourquoi est-ce important pour vous de faire circuler vos spectacles?

Je suis venu à Vancouver, il y a quelques années, avec la production Avaler la mer et les poissons. Un soir, après une représentation, je me rappelle avoir réalisé qu’il y avait deux autres spectacles de la Manufacture qui étaient présentés en même temps que le nôtre : Les points tournants à Montréal et Août, un repas à la campagne à Moncton. La compagnie couvrait le Canada « coast to coast »! Pour moi, c’est un signe de vitalité incroyable.

La tournée nous permet d’exporter la parole de nos auteurs et de prolonger la vie de nos créations. Nous sélectionnons des productions dont le sujet convient bien au public que nous nous proposons de rencontrer et qui se décloisonne facilement. Au fil des ans, certains publics, comme celui de la Seizième, ont appris à nous connaître.

Nous nous apprêtons à recevoir Au champ de mars de Pierre-Michel Tremblay à Vancouver. Nous avons également accueilli Coma Unplugged en 2010, la première collaboration de Pierre-Michel Tremblay avec la Manufacture, un spectacle dont vous avez d’ailleurs signé la mise en scène. Qu’est-ce qui vous intéresse dans l’écriture de cet auteur et comment son univers rejoint-il la vision artistique de la compagnie?

Pierre-Michel Tremblay est un auteur rassembleur. Son écriture est très ludique, mais sont propos ne tombe jamais dans la vacuité. C’est dense, c’est intelligent et on rit beaucoup! Avec Au champ de mars, par exemple, il nous transporte dans le quotidien d’un jeune soldat de retour d’Afghanistan qui porte de profondes séquelles de la guerre. Il nous amène à réfléchir à ce que, comme société, nous faisons subir aux jeunes hommes et jeunes femmes que l’on envoie combattre en Afghanistan et au sort qui les attend une fois de retour au Canada. C’est un propos sérieux et fort, mais traité avec beaucoup d’humour. Les personnages de la pièce sont archétypaux et exaltés, sur le bord de la dépression. Pierre-Michel réunit tout ce beau monde-là sur scène et ça crée des situations très amusantes!

D’après vous, pourquoi le public de Vancouver devrait-il voir Au champ de mars?

Pour se divertir, premièrement, et pour voir les performances des acteurs. Mathieu Quesnel est formidable, touchant et vrai dans son rôle de jeune soldat. Josée Deschênes est totalement délirante, elle arrive à être très drôle sans jamais en faire trop. Je crois aussi que le public sera touché par l’humanité des personnages. Chacun a son propre champ de bataille, ses propres luttes intérieures. C’est une belle métaphore qui permet au spectateur de se reconnaître à travers les personnages. Dans nos productions, il y toujours un espace où le public vient prendre des nouvelles de lui-même!

Au champ de mars sera à l’affiche au Studio 16 de Vancouver, du 16 au 19 novembre 2011. Billets disponibles à partir de 24$ au 604-736-2616.