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Entrevue avec Julie McIsaac

Avec près d’une vingtaine de productions à son actif, la comédienne, metteure en scène et auteure dramatique, Julie McIsaac a une biographie qui fait des envieux. Après avoir foulé les planches de Bard on the Beach, du Arts Club, du Pacific Theatre (pour ne nommer que ceux-là), la comédienne fait une première apparition au Théâtre la Seizième ce mois-ci. Elle incarne la pétillante Léa de Des fraises en janvier, son tout premier rôle professionnel en français.

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Julie McIsaac et Allan Morgan dans The Tempest. Photo © David Cooper

 

 

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Julie McIsaac dans The Spitfire Grill au Pacific Theatre. Photo © Francesca Albertazzi

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Julie dirigeant les acteurs de The Exquisite Hour en 2010.

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Julie dans le rôle de Jane, dans Mother Teresa is Dead

 

Qu’est-ce qui t’a amenée à faire carrière en théâtre?C’est la musique qui m’a amenée au théâtre. Ma mère a insisté pour que mes frères et moi apprenions au moins un instrument. C’était non négociable! Très jeune, j’ai appris le piano, le violon, le hautbois et le chant. Lorsque j’avais douze ans, la chorale de mon école a été choisie pour participer à la comédie musicale Joseph and the Amazing Technicolor Dreamcoat, une production professionnelle d’un grand théâtre de Toronto. Ce fut une expérience formidable qui m’a ouverte les yeux sur la possibilité de faire une carrière artistique. Puis, il y a eu Shakespeare. J’ai étudié deux de ses pièces au secondaire et ça a été une véritable révélation pour moi. Pendant que je complétais mon baccalauréat en musique, j’ai fait partie de la troupe Sock ‘n’ Buskin de l’Université de Carleton. Puis, j’ai finalement plongé. J’ai traversé le pays pour aller étudier le théâtre au Canadian College of Performing Arts à Victoria.

Parmi la vingtaine de rôles que tu as joués jusqu’à maintenant, lequel t’a le plus marqué?

Difficile d’en choisir un seul! Mon expérience à Bard on the Beach a certainement été très spéciale. J’ai eu la chance de jouer « Miranda » dans The Tempest en 2008. C’était une production magnifique, dirigée par Meg Roe. L’ambiance était poétique, magique et on sentait également cette énergie très spéciale dans la salle. Le rôle de « Jane » dans Mother Teresa is Dead au Pacific Theatre a également une place particulière dans mon cœur. En lisant le texte pour la première fois, je me suis dit qu’il fallait absolument que je joue ce rôle! Le trajet du personnage, ses défis et son histoire m’interpellaient énormément. Quand une pièce nous stimule artistiquement et, en plus, nous inspire au niveau personnel, les ingrédients sont réunis pour une expérience vraiment unique.

Si on te donnait la chance d’interpréter n’importe quel personnage du répertoire dramaturgique, lequel choisirais-tu?

En tant qu’adepte de Shakespeare, j’adorerais jouer « Lady MacBeth ». Pas tout de suite, par contre… dans 10 ans! Elle est si intense! J’ai aussi un faible pour la comédie musicale Jane Eyre, inspirée du livre de l’auteure britannique Charlotte Brontë. La musique est magnifique. Je voudrais jouer le rôle de « Jane », bien sûr, ou encore mettre en scène la production. Je suis toujours impressionnée de lire une œuvre écrite il y a des dizaines, voire des centaines d’années et de constater qu’elle résonne toujours autant aujourd’hui. Je trouve ça très inspirant, cette force de l’écriture dramatique qui capture un aspect intemporel de la vie humaine.

Pourquoi as-tu accepté l’invitation du Théâtre la Seizième à jouer dans Des fraises en janvier?

J’ai grandi dans un milieu bilingue. Ma mère est francophone et mon père est anglophone. Dans mon village natal, la moitié des noms dans le bottin téléphonique sont francophones! Parce que j’ai étudié en anglais, je me suis un peu éloignée du bilinguisme en grandissant. Et ça me manque beaucoup. En voyageant en Europe, j’ai réalisé que là-bas, pratiquement tout le monde parle plus d’une langue. C’est courant de baigner dans plus d’une culture. C’est quelque chose de riche que je veux conserver dans ma vie.

Grâce à un professeur à Victoria, j’ai eu la chance de pratiquer un monologue de Michel Tremblay dans les deux langues. J’ai tout de suite remarqué que je ressentais les choses différemment, physiquement et émotionnellement, en jouant en français et j’étais curieuse d’explorer ça davantage. L’invitation de la Seizième est donc tombée à point! Ça me permet de renouer avec mes racines et d’explorer une autre facette de mon métier de comédienne.

On t’a vue à plusieurs reprises à Vancouver dans des productions en anglais, mais Léa dans Des fraises en janvier est ton tout premier rôle en français. Comment se passe ton expérience jusqu’à maintenant?

Ça va très bien! Je m’amuse beaucoup bien que ce soit, bien sûr, un défi. Je dois travailler mon accent et le texte de façon différente. Disons qu’il y a quelques étapes de plus à mon processus habituel. Je suis dans un excellent environnement pour faire cette expérience. Tout le monde est très encourageant et m’appuie. Il y a des moments où je suis consciente de l’effort supplémentaire que le fait de jouer en français me demande et d’autres où je suis simplement dans le moment présent, en train de jouer. On amorce la dernière semaine de répétition et je suis de plus en plus dans ce deuxième état. C’est positif!

Parle-nous un peu de ton personnage. Qui est Léa?

Léa m’amuse énormément! C’est une jeune femme qui imaginait sa vie d’une certaine façon et qui, soudain, se retrouve devant une réalité tout à fait différente. Elle est à un moment où elle doit apprendre à vivre avec cette réalité et, même, à la rendre plus jolie que ses rêves de petites filles. Elle est courageuse, romantique, et elle a une personnalité vraiment unique. C’est le genre de personne qui n’a pas peur de s’affirmer ou de se lancer dans une grande aventure, même si elle a peur. Elle a un petit côté philosophe aussi, que j’aime beaucoup. À un moment, dans la pièce elle dit en parlant de Robert (joué par Joey Lespérance) : « Je trouve que c’est une grande ambition de vouloir lire et voir de belles choses. » C’est très beau, je trouve. Son histoire démontre pour moi que, lorsque la bonne personne se pointe dans notre vie, toutes les idées préconçues qu’on a sur l’amour, le partenaire idéal et les relations de couple disparaissent pour laisser place à quelque chose d’encore plus parfait.

Tu as été nominée à deux reprises pour un prix Jessie Richardson. Qu’est-ce que ces nominations représentent pour toi?

La première fois c’était vraiment, vraiment spécial. Ça m’a énormément touchée. Je me suis sentie bienvenue dans la communauté et appréciée. C’était incroyable aussi parce que ce rôle (Ophélia dans Hamlet), au départ, je ne me sentais pas capable de le faire. De partir de ce doute à cette nomination, en passant par des heures de pratique et de travail, c’était fantastique. Ça venait vraiment couronner un apprentissage professionnel important dans ma carrière. La deuxième nomination était pour mon rôle dans Mother Teresa is Dead, dont j’ai déjà parlé. J’ai adoré cette pièce et ce rôle et que ce soit également reconnu par la communauté théâtrale, c’était vraiment un beau bonus!

Tu fais également de la mise en scène et tu as signé dernièrement une pièce qui sera produite au printemps par Twenty Something Theatre. Comment en es-tu venu à développer ces autres aspects de la pratique théâtrale?

J’ai développé un intérêt pour l’écriture et la mise en scène au Canadian College of Performing Arts à Victoria. En 2e année, nous avions l’option de faire un stage dans une discipline connexe au jeu. J’ai choisi d’écrire un texte. J’ai présenté celui-ci devant un public dans une mise en scène que j’ai moi-même signé. J’ai adoré le processus. Le travail d’un acteur est plutôt introspectif, nous ne sommes responsables que de notre propre performance, alors que le travail du metteur en scène est de faire en sorte que tous les éléments de la pièce forment un tout harmonieux qui correspond à une certaine vision. C’est très différent comme travail, mais en même temps, je sens que ce sont des expériences complémentaires. Que je fasse la mise en scène d’un spectacle ou bien que j’interprète un personnage, je me souviens toujours de ce que c’est d’être de l’autre côté et ça m’aide à mieux communiquer avec mon l’équipe de production ou le public.

Julie interprètera Léa dans Des fraises en janvier du 18 février au 1er mars 2014. Pour en savoir plus sur ses nombreux prochains projets, suivez la chronique Le saviez-vous sur notre blogue ou notre infolettre.