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Entrevue avec Dave Deveau

Prolifique et éclectique, l’auteur Dave Deveau signe cette saison Extra-Céleste, un spectacle pour enfants au Théâtre la Seizième. Il a gentiment accepté de nous rencontrer entre les représentations de sa plus récente pièce, Lowest Common Denominator, les répétitions d’Extra-Céleste et sa performance hebdomadaire au drag show Apocalypstick.

Dave Mackenzie Deveau

Dave Mackenzie Deveau

Comment es-tu arrivé à l’écriture dramatique ?
Durant mon enfance, j’ai été comédien pour la télévision et le cinéma. J’écrivais aussi de courtes pièces pour moi-même, pour le plaisir. J’ai donc été immergé très vite dans le monde théâtral et cinématographique. Plus tard, j’ai étudié la littérature à l’école Canterbury d’Ottawa, une école secondaire spécialisée dans l’enseignement des arts. C’est là que j’ai écrit ma première pièce de théâtre et que j’ai découvert ma passion pour cette forme d’écriture. J’ai naturellement poursuivi mes études post-secondaires en écriture dramatique, d’abord à l’Université York de Toronto où j’ai complété un baccalauréat, puis à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) où j’ai obtenu une maîtrise.

J’aime les possibilités qu’il y a au théâtre. Quand on écrit pour la télévision et le cinéma, il faut être assez concret, littéral. Au théâtre, c’est un peu le contraire. Il y a davantage de place pour l’imagination, la suggestion et la fantaisie. On peut jouer une pièce sur une scène complètement vide et, si le texte et le jeu des acteurs sont réussis, elle aura tout de même un impact. Le spectateur est partie prenante du processus. Il forme une dimension à part du spectacle, puisque beaucoup de ce qui entoure l’histoire se passe dans sa tête. J’aime énormément ce dialogue et cet échange avec le public. J’ai une conversation avec des centaines de personnes à travers les œuvres que j’écris!

Quels sont les principaux défis que rencontrent les auteurs dramatiques contemporains selon toi?
Les auteurs contemporains sont en compétition avec des noms comme Shakespeare en anglais ou Molière en français. C’est certain qu’on représente plus de risques pour un producteur quand vient le temps de choisir un texte. On est moins vendeur !

Les auteurs doivent aussi composer avec la réalité financière des compagnies de théâtre. Je ne peux pas vraiment écrire une pièce avec vingt-deux personnages, parce que personne au Canada ne sera capable de la produire ! Malgré le fait que ce soit un peu contraignant, j’aime beaucoup ces limitations. Ça me donne un cadre pour créer. Pour Extra-Céleste par exemple, je savais que j’écrivais une pièce pour enfants, avec un maximum de trois acteurs et que la production serait en tournée dans les écoles. Ces contraintes sont devenues une source d’inspiration en cours de route et ont guidé mes choix.

Extra-Céleste est une co-commande du Théâtre la Seizième et de Green Thumb Theatre. Comment s’est passé le processus de création avec les deux compagnies?
Je travaille depuis plusieurs années avec Green Thumb Theatre et j’ai eu la chance d’écrire une courte forme pour la Seizième en 2009. En 2012, Craig Holzschuh m’a offert une commande de texte et je lui ai proposé l’histoire de Céleste. Quelques mois plus tard, Patrick McDonald (le directeur artistique de Green Thumb Theatre) s’est joint au projet. J’ai reçu des conseils des deux directeurs artistiques et d’Anita Rochon (metteure en scène) durant le processus, donc j’étais très bien entouré ! Les deux compagnies ont également travaillé ensemble pour créer certains éléments de production, comme le décor.

J’ai écrit le texte en anglais et Lyne Barnabé l’a traduit en français. Lyne est fantastique, elle est très patiente et donne sans compter. Nous avons eu de bons échanges et c’était une très belle collaboration. Je dois dire que je trouve étrange que le texte soit produit en français par la Seizième avant d’être produit en anglais par Green Thumb : j’ai l’impression que le processus est inversé ! Une chose est certaine, c’est que les deux productions de la pièce seront très différentes parce que les deux langues sont elles-mêmes tellement différentes !

Extra-Céleste est ta première pièce pour enfants. As-tu abordé l’écriture de cette pièce différemment?
Quand Craig m’a offert cette commande, je venais tout juste de terminer l’écriture de deux pièces pour adolescents et j’avais envie d’essayer quelque chose de nouveau. J’ai donc choisi d’écrire une pièce pour enfants. J’ai appris beaucoup au cours du processus d’écriture, entre autres grâce aux conseils de Patrick, Craig et Anita. Le processus d’écriture pour les enfants est assez différent du processus d’écriture pour le grand public. J’ai tendance à écrire beaucoup de dialogues et ce n’est pas nécessairement la meilleure façon de communiquer une histoire aux enfants. Ils recherchent davantage d’action ! Ils ont également une imagination incroyable, donc on peut vraiment les transporter dans des univers fantastiques.

Quelle est la source d’inspiration derrière Extra-Céleste?
J’ai vu Bully, un excellent film documentaire sur les jeunes victimes d’intimidation, en 2011. Ça m’a profondément touché. Un des jeunes dans le documentaire affirmait qu’il était impossible qu’il vienne de la Terre, qu’il fallait qu’il vienne d’une autre planète là où les gens lui ressemblent et le comprennent. Il se sentait tellement différent des autres, qu’il en était venu à ce constat effarant. Ce passage m’a marqué et est resté avec moi. J’ai raconté cette histoire à Craig et, à partir de là, nous avons commencé à voir comment nous pourrions nous en inspirer pour créer une pièce de théâtre.

Tu es l’un des fondateurs de la compagnie Zee Zee Theatre. Pourquoi avoir choisi de créer ta propre compagnie?
Comme beaucoup de jeunes artistes, Cameron Mackenzie (directeur artistique de Zee Zee Theatre) et moi avons terminé nos études et nous nous sommes retrouvés dans un monde très compétitif où très peu de théâtres embauchent de jeunes metteurs en scène ou de jeunes auteurs. C’était important pour nous de nous donner les moyens de continuer à créer et de montrer au monde ce que nous sommes capable de faire. Aujourd’hui, je suis chanceux parce que des compagnies comme Green Thumb ou le Théâtre la Seizième me donnent des contrats, mais je connais beaucoup d’artistes très talentueux pour qui ce n’est pas le cas. Ils doivent créer leur propre travail. C’est sans doute pourquoi on voit autant de jeunes compagnies se former.

Extra-Céleste sera présenté en français au Studio 16 les 28 et 29 mars prochain à 19h. La pièce sera ensuite produite en anglais par Green Thumb Theatre en avril et en mai. Pour en savoir plus sur les nombreux autres projets de Dave, suivez la chronique Le saviez-vous sur notre blogue ou visitez le site Internet de la compagnie Zee Zee Theatre.